Le botox et les faux seins sont désormais courants. Pourtant, beaucoup d’entre nous nient avoir eu recours à ce type d’interventions. Serait-ce difficile à assumer ? Vous avez répondu à cette question sur ELLE.fr. Enquête.
QUE PENSE-T-ON DE LA CHIRURGIE ESTHÉTIQUE QUINZE ANS APRÈS NOTRE PREMIER SONDAGE ?
Quinze ans après notre enquête de 2002*, nous avons eu envie de savoir comment le rapport des femmes à la médecine et à la chirurgie esthétiques avait évolué. Et comment celles qui ont fait le choix des injections ou du bistouri l’assument. 1 157 lectrices ont répondu à notre sondage (Qualifio, réalisé du 5 au 10 octobre 2016) sur ELLE.fr, dont un peu moins de la moitié, 531, ont eu recours à un acte esthétique. Si 92 d’entre elles ne l’ont dit à personne, elles sont une écrasante majorité à ne pas en faire mystère : 247 en ont parlé à un membre de leur famille, 234 à leur meilleure amie, 232 à leur chéri(e), 195 à tout le monde – les réponses pouvaient être multiples. Autre enseignement : alors que, pour 81 ELLEnautes, c’est encore un sujet « très tabou », 327 l’évoquent « très facilement » et 254 ne l’ont confié qu’à un cercle restreint. On le dit donc davantage, ce qui n’est pas une surprise pour le Dr Jérôme Paris, chirurgien esthétique, codirecteur scientifique du congrès professionnel Face2f@ce : « En 2016, avec beaucoup d’années de médecine et de chirurgie esthétiques derrière nous, il y a une acceptation plus globale de ces techniques. Les femmes en parlent plus librement et sont moins gênées par le regard des autres. Elles sont de plus en plus nombreuses à assumer leur démarche. »
La Dre Marie-Thérèse Bousquet, médecin esthétique, confirme : « Les 30-35 ans sont les plus à l’aise pour aborder la question, elles se donnent des tuyaux, utilisent le bouche-à-oreille. Les quinquas déprogramment plus facilement une intervention pour ne pas avoir à s’expliquer ou se montrer avec un hématome. Mais, quelle que soit la génération, certaines personnes sont plus décomplexées que d’autres. » Comme Laurence, 49 ans. « J’ai commencé les injections dans le front vers 40 ans, témoigne-t-elle. Je ne le fais pas de façon assidue, mais quand j’ai envie de me sentir mieux et plus fraîche. Je le dis à mon mari et à ma fille de 17 ans, qui souvent ne voient pas trop la différence. Et à mes copines, bien sûr, qui connaissent toutes mes rides d’expression. » Pourquoi le faire savoir ? « C’est important d’en parler pour raconter comment ça se passe vraiment, poursuit Laurence. Les médecins n’expliquent pas tout. Par exemple, les sensations bizarres qu’on peut ressentir après une injection. Plus grave, il peut y avoir des dérapages, comme la fois où on m’a annoncé le prix du traitement – 1 500 euros ! – seulement à la fin de la séance. » Reste qu’on s’appesantit rarement sur l’acte s’il est médical, notamment auprès de son conjoint. « Certaines patientes annoncent qu’elles vont consulter un dermato pour des “petits soins belle peau”, mais précisent rarement qu’elles vont faire des injections dans les pommettes ou les lèvres. Moi-même, quand on me dit que j’ai bonne mine, je ne rentre dans les détails que si on me pose directement la question », reconnaît Marie-Thérèse Bousquet.
EN PARLER N’EST PAS AUTOMATIQUE
On n’en parle donc pas systématiquement. Par retenue, par pudeur. « Une de mes amies s’est fait injecter, c’est évident, mais, officiellement, on n’est pas censé le savoir », raconte Anna, 45 ans. Une rétention d’information qui interroge sur la banalisation réelle des actes esthétiques. « Cela reste toujours un peu secret car du domaine de l’intimité comme tout ce qui touche au corps et à la séduction, analyse la psychiatre Françoise Millet-Bartoli (auteure de « La beauté sur mesure. Psychologie et chirurgie esthétique » éd. Odile Jacob). Le taire permet, par ailleurs, de voir si l’autre le remarque et si cela lui plaît. »
Une attitude qui préserve également des commentaires les moins friendly. « Je pense que je ne le dirais à personne, je n’aurais pas envie que les gens croient que je trafique mon visage, qu’ils aient un a priori ou me fassent des remarques », confie Jeanne, 29 ans. Ainsi, les jeunes femmes qui ont vu leur mère et nombre d’actrices liftées ou Botoxées peuvent avoir, elles aussi, envie de discrétion. « L’annoncer avant, c’est mettre le débat sur la scène publique et autoriser tout le monde à s’y engouffrer, explique la Dre Isabelle Sarfati, chirurgienne plasticienne. Il faut donc choisir à qui on le dit. À son entourage proche, bien sûr, et à une amie qui s’interroge avant de sauter le pas, cela permet de partager. Sinon, cela n’a pas d’intérêt. » C’est pour éviter que ses collègues ne lui donnent leur avis que Lili, 58 ans, a caché qu’elle prenait un congé pour se faire poser des prothèses mammaires. « J’ai été prise au dépourvu quand elles m’ont demandé où j’allais. Et comme je ne savais pas quoi répondre, elles m’ont posé plein de questions et vont continuer quand je reprendrai le travail dans quelques jours. Je vais devoir le leur dire, mais j’exigerai qu’elles gardent leurs commentaires pour elles. Si elles trouvent que le résultat est réussi, elles risquent de penser : oui, mais ce sont des faux… » Car, « si la chirurgie n’est plus honteuse comme par le passé, elle conserve une connotation de frivolité et de futilité », remarque Françoise Millet-Bartoli.
ET LE REGARD DES AUTRES ALORS ?
Comment se soustraire au jugement des autres ? Et à un regard qui n’est pas toujours bienveillant ? « Elle a bonne mine, mais ce n’est pas grâce au sport ni à son alimentation, elle a fait quelque chose », entend-on souvent. À se demander si ce genre de réflexions ne masque pas une forme de jalousie. Car, finalement, on a osé et le résultat est enviable. « Il y a une part de rivalité féminine, admet Françoise Millet-Bartoli. Et comme l’idée d’être “naturellement belle” remporte l’adhésion du plus grand nombre, pourquoi s’épancher sur un acte qui révélera qu’on est insatisfaite de telle partie de son corps ou qu’on n’assume pas de vieillir ? » Isabelle Sarfati en est convaincue : « Quand on a recours à la chirurgie esthétique, on doit à la fois assumer ce changement, par exemple un nez retouché, mais aussi le fait d’avouer aux autres qu’on était suffisamment complexée pour se faire opérer. »
Ce qui est certain, c’est qu’on se confie moins volontiers, au-delà de ses proches, après une opération qui implique une hospitalisation, une anesthésie et quelques jours à plusieurs semaines de récupération, avec des pansements, des douleurs, un œdème, des bleus, des cicatrices… « On peut assumer une injection car la technique est devenue banale, c’est plus compliqué pour un lifting, constate Jérôme Paris. Le changement étant plus radical, les deux tiers de mes patientes mettent leur vie sociale entre parenthèses pendant huit jours. » Seule une minorité de candidates au bistouri vantent l’intervention qu’elles ont subie. « Elles se sentent toutes puissantes et ont l‘impression de s’“auto-engendrer”, décrypte Isabelle Sarfati. Mais, pour la majorité des femmes, le dire va à l’encontre de leur démarche qui consiste à modifier leur image pour mieux se l’approprier. Pour elles, annoncer qu’elles ont des prothèses mammaires revient quasiment à avouer : “Ce n’est pas ma poitrine, c’est celle du fabricant d’implants.” »
46,5 %, C’EST LE POURCENTAGE DES FEMMES INTERROGÉES QUI ONT FAIT « QUELQUE CHOSE » ET L’ONT DIT À UN MEMBRE DE LEUR FAMILLE
Faut-il cacher à son compagnon qu’on va se faire lifter ou poser des prothèses mammaires ? Impossible et fortement déconseillé. Une attitude peu fréquente qui alerte les chirurgiens. « Le plus souvent, c’est une question de maturité du projet, la personne ne s’est pas posé les vraies questions, considère Jérôme Paris. Je l’invite alors à réfléchir pendant trois ou quatre mois. Mais si quelqu’un veut rajeunir de vingt ans alors que son visage est peu marqué, je lui conseille d’en discuter avec un psychologue ou un psychiatre. La dysmorphophobie [l’obsession de ne pas avoir un corps parfait, ndlr] est une pathologie rare qui interdit tout geste esthétique. » Bien sûr, « il y a des nuances selon que l’intervention comporte un aspect médical ou relève uniquement de l’esthétique, précise Françoise Millet-Bartoli. On le dit plus facilement pour une réduction de poitrine trop volumineuse que pour des implants mammaires. Ou pour le nez car il est acquis que le faire retoucher, quand on est ado, peut transformer la vie ».
Faire mais taire, de la triche alors ? Le reproche n’est jamais très loin, ce qui ne facilite pas les confidences. « Je ne le dirai pas parce que je le fais pour moi, pas parce que j’en ai honte », affirme Lucie, 35 ans. Sylvie, 50 ans, se sentira obligée de divulguer sa blépharoplastie au bureau. « J’aurai des bleus sous les yeux, qui vireront au jaune pendant trois semaines, mes collègues le verront bien ! En revanche, par peur d’être jugés, mon mari et moi n’avons confié à personne que notre fille de 20 ans s’était fait poser des implants mammaires. Nous étions contre cette intervention, nous avons résisté longtemps, mais elle était tellement complexée que, pour elle, cela a été comme une renaissance. » N’y a-t-il pas quelque chose de l’ordre de l’injonction à estimer que toute personne injectée ou liftée doit le signaler ? N’a-t-elle pas droit au silence, quand bien même tout le monde aurait remarqué que son visage ou la taille de ses seins a changé ? « L’assumer ne signifie pas le crier sur les toits », affirme Marie-Thérèse Bousquet. D’ailleurs, l’essentiel n’est pas tant de le dire ou pas, mais de choisir à qui. De prendre surtout le temps de la réflexion pour savoir ce qu’on en attend vraiment. Quoi de plus profitable alors que d’en discuter avec une amie qui se pose aussi la question ?
* Selon ce sondage Ifop réalisé pour ELLE en juillet 2002, 6 % des femmes interrogées avaient eu recours, à l’époque, à la médecine ou à la chirurgie esthétique, 85 % n’avaient pas l’intention de le faire à l’avenir et 14 % se déclaraient ouvertes à cette idée. Parmi elles, 60 % envisageaient de n’en parler qu’à leurs proches, 23 % à tout le monde, 17 % à personne.
Source: //www.elle.fr/
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